Risques liés aux activités de survie Quand on parle des risques liés aux activités de plein air, on
revient presque mécaniquement à la bonne vieille loi de Murphy : « If
anything can go wrong, it will . » Autrement dit : « Si une seule chose
peut aller de travers, elle va finir par aller de travers . » Les mères
connaissent ce principe instinctivement (ou plus probablement par
expérience). La mienne, dans son infinie sagesse, ne me disait jamais
« Fais attention . » Elle me disait plutôt « Attache tes lacets . » ou
« Ne laisse pas ton verre au bord de la table, tu vas finir par
l'accrocher . » Elle me poussait sans arrêt à structurer mon
environnement pour que je n'aie pas besoin de faire attention. Elle me
connaissait bien, et savait que de toute manière, faire attention ne
faisait pas partie de mon univers mental. Voulant me préserver de ma
propre inattention, elle s'arrangeait donc pour que rien ne dépende de
mon niveau d'attention, qui était loin d'être infaillible.
Marcher dans une pente verglacée à 55 degrés d'inclinaison est,
en soi, un défi permanent à la loi de Murphy. Chaque pas est un test.
Chaque crampon qui s'enfonce dans la glace est un bras d'honneur à la
gravitation. Tout, dans ce genre d'activité, est structuré de manière à
attirer la catastrophe... et seule l'attention et la technique de
l'alpiniste (et ses crampons, bien sûr) font la différence entre un pas
de plus et une glissade... Selon la loi de Murphy, donc, si n'importe
quel alpiniste pouvait pratiquer ce genre de marche éternellement, tôt
ou tard il tomberait. Les crampons, la technique, la glace et
l'attention ne sont pas — pour aucun d'entre eux — des éléments
totalement infaillibles. Ce n'est donc, statistiquement, qu'une
question de temps avant que la glissade ne survienne. Le tout est de
s'arranger pour que la traversée de cette vire verglacée soit terminée
avant la glissade inévitable...
Inutile, évidemment, d'être alarmiste et de dépeindre la nature
comme un environnement hostile et dangereux. La nature est simplement
ce qu'elle est : un endroit où tout est possible et où la
responsabilité de notre propre bien-être ne dépend de personne d'autre
que de nous-même. À nous d'éviter de faire des erreurs. À nous d'éviter
de prendre des risques inutiles (à moins qu'on aime ça... chacun son
truc). À nous, aussi, de nous préparer à faire face aux sautes d'humeur
de la météo, aux erreurs de navigation, aux chevilles tordues, etc.
Évidemment, ça nous fait un peu drôle... Nous qui sommes
habitués à ce que tout danger soit signalé, à ce que tout risque soit
maîtrisé. Et tout risque non-maîtrisé justifie une action en justice.
Il faut un responsable... pour tout. Nous avons l'habitude de tourner
un thermostat pour avoir plus chaud, et de le tourner dans l'autre sens
pour avoir moins chaud. Nous buvons une eau claire et sûre (à défaut
d'être pure), que nous avons à notre disposition n'importe quand. Nous
considérons comme normal que la viande arrive, déjà découpée et
pourtant encore fraîche, dans un emballage plastique, et que les fruits
soient propres, sucrés et juteux, et disponibles toute l'année... Pour
beaucoup de gens, le simple fait de se retrouver en montagne, un matin,
sans papier de toilette est le prétexte au début d'un psychodrame. Nous
dormons dans des abris en béton imperméables et sécurisés, que nous
mettons des années à payer... Bref, nous sommes des êtres coupés de la
nature. Enfin pour la plupart... Pas tous... Peut-être pas vous... Vous
fâchez pas...
Un fait, cependant, demeure : la liberté quasi-totale que nous
pouvons retrouver dans la nature se troque contre un engagement plus
grand, et un niveau de responsabilités plus élevé par rapport à notre
propre sécurité, et à notre propre bien être. J'aime les grands
espaces. J'aime la liberté, les vires escarpées et les contrées
enneigées par -45°C. Pourtant, je sais que quand je m'engage seul sur
une vire un peu glissante, je suis le seul à pouvoir m'éviter une chute
mortelle. De même, lorsque je suis loin de tout, je sais que je devrai
faire face tout seul à un blizzard soudain ou à une entorse
du genou, ou à un coup de fatigue... Pour moi, il n'est pas question
d'abandonner ma liberté et mon indépendance contre la quiétude et
l'absence de responsabilités. C'est un choix. Et ce choix me pousse,
tout simplement, à me préparer à faire face à un certain nombre de
problèmes possibles.
Les facteurs de risques qui causent des accidents ou coûtent
des vies, en forêt, sont souvent des éléments très peu dangereux pris
isolément. En coordonnant leurs efforts, par contre, deux ou trois de
ces petits riens peuvent vite nous attirer des ennuis. Un guide de
haute montagne expérimenté était ainsi parti en ski de randonnée dans
une poudreuse magnifique, un jour de janvier. À la montée, dans un
corridor beaucoup trop étroit pour être skiable à la descente, une de
ses peaux de phoque a cédé. Impossible de continuer à monter, et
impossible de redescendre à skis. Il a donc commencé à descendre à
pied, dans la poudreuse jusqu'aux aisselles. Retardé de plusieurs
heures, il a été pris dans un blizzard, qui était annoncé pour la
nuit... Son expérience et des techniques de survie de base l'ont
sauvé : au lieu de paniquer, et voyant la tempête se lever, il a creusé
une terrier dans la neige à l'aide de sa pelle ARVA, et il a ainsi
passé une nuit relativement confortable dans les -1°C de son abri,
alors que dehors la tempête faisait rage et que le mercure tombait sous
les -20°C (sans le facteur de refroidissement éolien).
Ces textes n'ont pas pour but de vous faire replonger
subitement à l'âge de pierre, ni de vous faire connaître tout le
plaisir fraternel et viril d'un stage de survie du genre « commando ».
Je suis personnellement un être assez... bourrin, rustique, mais je
comprends très bien que ça n'intéresse pas tout le monde. À chacun de
fréquenter la nature comme il ou elle le souhaite, à son rythme et avec
le niveau de confort voulu. Pourtant, qu'on le veuille ou non, les
accidents arrivent, et les gens s'égarent, et les GPS
tombent en panne, et certains ligaments croisés antérieurs se rompent à
5 heures de marche du village le plus proche (15 heures à cloche-pied,
quoi). Et là, nous sommes subitement livrés à nous-mêmes, pour une
période plus ou moins longue (avant que la civilisation ne vienne à
nous, ou que nous ne revenions à la civilisation). Pendant ce laps de
temps très particulier, personne à part nous ne peut subvenir à nos
besoins. C'est très exactement cet intervalle que je définis comme
étant une situation de survie. Notre vie sera peut-être mise en
danger... ou peut-être pas. Mais une chose est certaine : durant cet
intervalle, nos devront nous débrouiller avec les moyens du bord.
Autant, donc, se préparer un peu.
Se préparer pour une randonnée Se préparer pour une randonnée est une habitude à prendre. Quelques
petits trucs simples peuvent nous éviter le pire, en forêt, en montagne
ou ailleurs...
- Préparez vos itinéraires soigneusement, en tenant
compte des difficultés du terrain, du niveau d'expérience et de la
condition physique de tous les membres de votre groupe. Prenez des
informations fiables avant de partir (météo, conditions sur le terrain,
recommandations, etc.), et préparez-vous en conséquence. Ne faites pas
comme ces dizaines de skieurs et de randonneurs qui meurent bêtement,
happés par une avalanche un jour où on indique un risque avalanche de
5/5 : respectez les consignes et les recommandations fournies par les
professionnels du terrain. Loin de vouloir vous priver de votre
liberté, ces derniers se donnent pour mission de vous fournir des jours
de liberté en plus...
- Méfiez vous des « petites balades ». La plupart des
gens se perdent dans des endroits qu'ils connaissent bien et qu'ils
fréquentent régulièrement. Les recherches sur le comportement des
personnes perdues montrent bien qu'il ne faut pas une grande forêt pour
se perdre. Statistiquement, les personnes disparues sont souvent
retrouvées dans un rayon de moins de 2,5 km de l'endroit où elles
auraient dû être (Kenneth Hill, 2001). Ne négligez pas trop votre
préparation sous prétexte que « ça n'est qu'une petite balade » (bon,
ok, pas besoin d'emporter votre kit de survie complet pour sortir les
poubelles non plus, restons dans le domaine du bon sens !)...
- Avant de partir, prévenez toujours au moins une personne de confiance de votre départ, en lui donnant pour mission d'appeler les secours si vous manquez à l'appel le moment venu.
- Portez toujours des vêtements adaptés au climat que
vous rencontrerez tout au long de votre parcours, et prévoyez le
pire... En partant, demandez-vous si vous pourriez survivre à une nuit
dehors avec les vêtements et l'équipement que vous transportez
éventuellement. Ne vous fiez pas à un ciel radieux ou aux températures
douces qui prévalent au moment de votre départ. Le temps change parfois
vite, surtout en montagne...
- Prévoyez de l'eau en quantités suffisantes, et ayez avec vous de quoi purifier l'eau que vous trouverez sur le terrain.
- Emportez avec vous un minimum d'équipement de survie,
sur lequel vous pourrez vous replier si besoin est. Fabriquez, modifiez
et testez ce kit vous-même, en fonction de vos besoins spécifiques.
- N'emportez pas ces textes avec vous ! Ces textes ne
sont pas un manuel de référence conçu pour le terrain. Dans une
situation d'urgence, il est un peu tard pour commencer à lire, à
apprendre ou à vous entraîner à poser les gestes de base qui vous
sauveront... Prenez le temps de lire ces textes avant de partir (c'est
ce que vous faites, je sais !), et surtout prenez le temps de tester
par vous-même les techniques et les principes qu'ils contiennent. Une
bonne préparation commence par là... car même le meilleur des livres ne
remplacera jamais l'expérience sur le terrain. Sortez, et construisez
des abris (abri de fortune), allumez des feux,
trouvez de l'eau douteuse et entraînez-vous à la purifier, puis
buvez-la ! Passez, aussi, du temps en forêt... habituez-vous simplement
à l'idée d'être là, seul(e)... Bref, sortez de chez vous, et faites-le.
En passant ainsi de la théorie à la pratique, vous assimilerez mieux
les informations, et vous passerez un bon moment, croyez-moi.
Texte de David Manisehttp://wiki.davidmanise.com/index.php/Importance_d%27un_minimum_de_preparation...